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29/05/2008

A propos de LNA, lacanian inck

  Dans le numéro 8 du Nouvel Ane, LNA paru en février, Gérard Wajcman à propos de Bruce Nauman fait l’éloge d’un art de la mise en scène. Mise en scène à laquelle se livre Jacques-Alain Miller avec Orlan. Par contre, un encart  fait référence à la revue new-yorkaise lacanian Inck dont le numéro 28 présente un article en langue anglaise d’Alain Badiou , intitulé Drawing, dont le sériel est une leçon sur ce qui focalise le champ de la pure plastique.

   Badiou y donne sa définition de l’art comme « une description sans lieu ». A partir de là , il pose qu’un dessin est un complexe de marques qui n’ont pas de lieu parce que, dans un dessin authentique, les traces, les lignes ne sont pas incluses dans le fond , mais créent le fond comme un espace ouvert : un lieu inexistant. D’où sa définition du dessin : « quand quelque (some) trace hors lieu crée à sa place une surface vide ».

  Ainsi, Badiou oppose la matérialité du support, la feuille de papier comme totalité close, et les marques, les lignes qui n’existent pas par elles-mêmes, ayant à composer quelque chose (something) dans la feuille de papier qui, elle-même, comme telle n’existe pas, parce qu’elle est créée par les marques dans sa fonction de fond comme surface ouverte. C’est ce qu’il qualifie de « mouvante réciprocité entre existence et inexistence » ; ce qui serait l’essence du dessin, une « conjonction paradoxale entre être et ne pas être ». Badiou introduit par là une thématisation à caractère ontologique.

  Dans les limites de notre champ, nous identifions ce hors-lieu de la trace qui crée à sa place une surface vide au fait, d’une part, que la rencontre du geste et du support a pour effet la rémanence de la consistance du tact en la trace, d’autre part le fait que la torsion moebienne de la structure d’enveloppe de la pulsion scopique présente en chacun des  points de la trace l’envers de celle-ci au lieu même de son endroit, soit un envers sans endroit ou un endroit sans envers, en adéquation donc avec le point négatif du chiasme phénoménologique touchant /touché (Merleau-Ponty, Notes de travail, in Le visible et l’invisible).

  Ainsi l’ouverture de l’espace pictural  est l’effet de la congruence de l’objet de la pulsion scopique, le regard insaisissable, et le point de négativité du chiasme phénoménologique. L’artiste est en mesure de construire son œuvre dans l’ouverture de cet espace à partir de sa position subjective spécifique, celle du point de regard à l’infini dans l’acuité de l’attention flottante qui lui est propre. Position qu’il négocie, en sa division subjective, avec le point-sujet de la vision, de l’espace géométral.

 

  A cet égard, l’autoprtrait de Chardin au pastel de l’ancienne collection Michel Lévy, du département des Arts graphiques du Louvre, est dans un après-coup de l’histoire comme, si ce n’est la réduction, l’épure du dispositif des Ménines de Vélasquez tel qu’il fut analysé par Lacan (le Séminaire XIII).

  Dans le catalogue de l’exposition Chardin du Grand Palais (1999-2000), il est écrit « Chardin veut attirer notre attention sur la tache rouge du crayon de pastel, son nouvel instrument de travail, pour nous montrer que, jusqu’à son dernier souffle, et comme pour défier la mort, l’essentiel pour lui c’est son œuvre de créateur ».

  Nous pouvons reprendre l’interprétation de l’exhibition de ce crayon de pastel, en portant notre attention sur la tache de bleu qui s’y trouve. Cette tache indique que l’artiste aura figuré ce crayon de pastel en ajout sur le fond bleu du tableau. En effet cette petite tache de bleu est le résultat de l’adhérence de cette couleur de fond qui s’est imprimée sur le crayon de pastel : une fine pellicule de matière qui présente donc son envers par rapport à son recouvrement initial sur le support. Néanmoins, dans l’acte d’inscription, l’instant du contact du crayon de pastel bleu sur la surface figurant le crayon de pastel rouge, la trace a présenté son envers à cause de l’effet de retournement spéculaire de l’autoportrait. Mais comme cette trace a été figurée retournée, imprimée sur le crayon de pastel rouge, elle se donne donc en même temps comme l’envers de cet envers : son endroit. C’est ainsi qu’elle reflète dans le champ de la vision la torsion topologique de celui du regard.

  Rappelons que Chardin est, peut-être  plus que tout autre, le peintre dont l’espace repose d’évidence sur la tactilité.