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06/02/2008

A propos d'une notule de Beaux ARTS magazine

Blog du 06 Février 08

A propos d’une notule du Beaux Arts magazine de janvier 2008.

 

  Dans une notule de la revue Beaux Arts magazine de janvier 2008, le terme « Post-structuralisme » subsumerait des tendances « spécifiques de notre génie européen » comparables à « ce qui s’est réalisé avec le surréalisme ».

  La promotion de ce signifiant n’est pas sans nous évoquer les premières leçons du Séminaire, D’un Autre à l’autre (1968-69) dans lesquelles Lacan avait relevé que le mot structuralisme venait d’être poussé en avant, disait-il par un publiciste. Il considérait ce mot comme une corbeille à papier qui devait rassembler son discours avec ceux de quelques autres envers lesquels, du reste, il ne manquait pas de témoigner de son estime. Ce qui lui donnait l’occasion de rappeler que pour lui la structure était celle du réel du sujet, homologue à celle de la coupure de la bande de Moebius. Ainsi s’agit-il de la division du sujet dont les implications ont été développées, en ce qui concerne la relation de l’acte à sa cause, dans la  note précédente de ce blog.

  Mais, lors de ce séminaire Lacan fait porter les conséquences de cette structure sur le fait que dans le dispositif analytique le sujet suspend sa fonction de sujet de l’énonciation. En effet l’association libre le dispense de soutenir son discours d’un ‘’je dis’’. Autrement dit, il ne redouble pas la phénoménalité de son énonciation de la valeur performative de l’acte de parole.

  L’éclipse du sujet dans l’acte, qui en résulte, aura été dans l’art la condition d’une expérience (Cf., note du 20. 10. 2006). Celle-ci se sera rétrospectivement présentée comme le développement d’un programme implicite. Le dripping pollockien  semblait en être la butée, jusqu’à ce que récemment un débat dans le milieu scientifique ouvre le champ potentiel de nouvelles avancées dans l’art (Cf., note du 12. 07. 2007).

  A contrario, le manifeste de l’art conceptuel de Joseph Kosuth, Art after philosophy - publié dans Studio International (oct.- nov. 1969), puis traduit dans le premier numéro d’Artpress (déc.- janv. 1973) – se fonde sur le performatif : « Une œuvre est une tautologie, en ce sens que c’est une présentation de l’artiste, autrement dit que celui-ci déclare que cette œuvre d’art-ci est de l’art, c'est-à-dire une définition de l’art ».

  Or Emile Benveniste, dans un article intitulé La philosophie analytique et le langage (1963) fait état du fait qu’un énoncé performatif n’a d’existence que s’il est authentifié comme acte d’autorité. Ainsi, lorsque Kosuth assimile l’œuvre d’art à un axiome dans sa fonction performative, en référence à la méthode analytique du philosophe néopositiviste A.-J. Ayer, il devrait ne pas éluder le fait qu’un axiome est autorisé par le principe de non-contradiction qui contraint la démonstration, l’enchaînement des théorèmes qui lui sont conséquents. Et, quand dans l’exigence analytique  la démonstration a fait place au pur calcul, ce principe a donné lieu aux concepts de consistance, complétude et décidabilité. C’est alors que le programme axiomatique de Hilbert, dont la procédure mécanique devait établir la complétude de l’édifice mathématique, a été ruiné par le théorème de Gödel. 

  Ainsi Kosuth a-t-il eu recours à la dimension autoréférentielle du performatif pour combler la faille de la division du sujet, en ce temps même où la butée du programme des Champs magnétiques se présenta comme une impasse. Au regard du sujet de la science - le théorème de Gödel en est le révélateur (Cf., note du 23. 11. 2007) – la tautologie n’est chez lui qu’un tour sophistique qui fut comme tel d’une grande efficacité dans la persuasion. Les maîtres signifiants de son manifeste circulent encore dans le milieu artistique à l’insu même de la plupart de ceux qui les véhiculent ; ne prenons qu’un exemple : « La force de l’art », qui fut le titre d’une exposition très officielle (mai – juin 2006) qui se proposait de faire un état des lieux de la création en France, est la citation d’une expression utilisée dans la conclusion du  manifeste de Kosuth, dans laquelle elle signifie que « l’art est la définition de l’art ».

  Lorsque la notule de Beaux Arts magazine invoque, en des termes certes bien désuets, la spécificité de « notre génie européen », il est possible d’y reconnaître une réplique. En effet, rappelons que Kosuth introduit dans son manifeste le performatif en empruntant une citation de Don Judd : « Si l’on nomme cela art, c’est de l’art ». Ce dernier rappelons-le, déclarait dans une entrevue avec Bruce Glaser de février 1964 «  L’art européen ne m’intéresse pas du tout et je crois que j’en ai terminé avec lui ».