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20/09/2012

Rêve ouvert à Jacques Lacan, par delà…

« Une valeur sûre », François Rouan, La Cause freudienne n° 59.

 

  Dans le numéro 59 de La cause Freudienne, l’article intitulé ‘’ Une valeur sûre’’ fait suite à la ‘’ Préface à une exposition des œuvres de François Rouan ‘’ [Cf. note du 17. 05. 2011]. François Rouan y rapporte un rêve qui précéda sa première visite au Docteur Lacan auquel il apportait les dessins que celui-ci avait choisis à Rome, lorsque le peintre était pensionnaire de  la Villa Médicis.

  Dans ce rêve il cheminait au côté de Lacan qui lui parlait. Ce récit s’achève sur : «  Tout à coup, je n’en peux plus et je trouve la force de l’interrompre, je lâche brutalement ‘’Est-ce loin encore ? Mais où allons nous ? ’’ ‘’ Nous allons chez Salvador Dali ’’, répond-il. Je me réveille en sueur et très angoissé»

 

 En sa leçon du 9 mars 1976 Lacan déclarait : « L’avantage qui résulte de la façon dont j’ai présenté la chaîne borroméenne, c’est que ça simule la sphère armillaire, comme je l’ai fait remarquer à Dali avec qui je m’en suis entretenu je ne sais plus quand. » [Le Séminaire, L. XXIII, Le sinthome, p. 109]

  Il ne peut s’agir que de l’entretien rapporté par Pamela Tytell entre Dali et Lacan,  qui eut lieu à New York en décembre 1975. Ils ne s’étaient vus depuis presque quarante ans. Le psychanalyste et le peintre eurent un échange autour des nœuds borroméens [Roudinesco E., Jacques Lacan- Esquisse d’une vie, histoire d’un système de pensée, Fayard, 1993, p.487].

 

  Or cette structure de la simulation de la sphère armillaire Lacan l’avait présentée à Columbia University le premier décembre 1975 et le jour suivant  au Massachusett Institute of Technology [‘’Conférences et entretiens dans des universités nord-américaines’’, in Scilicet 6/7, le Seuil, 1976]. Elle a en commun avec l’hyper cube, objet de la préoccupation de Dali, l’auto enveloppement (dont on trouve des animations sur le net) qui est le propre du plan projectif arguésien.

 

  Ainsi dans cette leçon du 9 mars 76, Lacan fait la présentation de la prise d’un rond par le jeu des dessus-dessous au croisement de deux droites infinies, légendée ‘’Représentation projective de la chaîne borroméenne’’ [L. XXIII, p.108]. Cette présentation est reprise sous la forme de  ‘’La chaîne borroméenne en sphère armillaire’’ [p. 109] ; puis après avoir évoqué le fait qu’il en avait fait part auprès de Dali, il précise : « …Parce que la fausse sphère que je vous ai dessinée là est supportée de cercles, il y a une façon de la manipuler qui consiste à la retourner sur elle-même ».

   Nous retrouvons la disjonction entre les deux espaces sphérique et  projectif qui hante le problème du pictural dans la peinture et qui ne put qu’être la condition de l’échange entre Lacan et Dali.

  Or tel est précisément l’objet du développement de la prescription que Lacan adresse à François Rouan dans sa préface à l’exposition du peintre au musée Cantini en 1978. Il conclut sur la temporalité de l’acte dans les deux temps d’une homotopie (figures XII et XVI de la préface).

   Chacune des prises du quatrième rond sur celui du réel dans le mouvement de l’homotopie donne lieu à la nomination de l’imaginaire, puis à celle du symbolique. Autrement dit se révèle impossible la nomination du réel, ce que Michel Bousseyroux a pris pour une présentation trompeuse : « Ce qu’on a pris pour une nomination indice du réel n’est indice que du symbolique ou de l’imaginaire » [Bousseyroux M., Au risque de la topologie et de la poésie –Elargir la psychanalyse, Toulouse, Editions érés, 2011, pp.199-200].

  En fait dans la visée d’un réel spécifique (la prise du quatrième rond sur celui du réel)  l’acte pictural confronte le sujet (dans le premier temps  de l’homotopie) au trou dans le moi. C’est l’effet Worringer (1), avatar de l’Unheimliche, qui relève d’un imaginaire non spéculaire. Alors que le temps second est celui de la nomination du symbolique, l’écriture du trou par la droite infinie [L. XXIII, p. 33-34, et, Vappereau J-M, La D.I., en ligne] : l’infinitisation projective du second point-sujet [note du 17. 02. 2009].

 

  Comme Lacan nous l’a enseigné c’est l’intrusion du réel qui réveille le rêveur là même où manque la représentation [L. XI, chapitre V, ‘’ Tuchè et automaton’’]. Cette béance qu’enveloppe la réplique « Nous allons chez Salvador Dali », elle se retrouve dans l’impossible nomination du réel hors sens dont le Docteur Lacan dans sa préface a prescrit la formule de l’enjambement du sphérique au projectif. Dali en eut l’intuition - certes sans l’engagement dans l’intrinsèque qui est le propre de l’acte -  en représentant le patron de l’hyper cube  dans sa crucifixion de 1953.

   Dans cette leçon du 9 mars 76 Lacan prolonge sa mise en série de ‘’ La représentation projective de la chaîne borroméenne’’ et de ‘’La chaîne borroméenne en sphère armillaire’’ par une illustration légendée ‘’Retournement’’ [p.112]. Il s’agit d’une représentation temporalisée en quatre images de la chaîne borroméenne projective : quatre étapes dans l’inversion des dessus-dessous du croisement des deux droites infinies et du rond qui les enserre. Cet artifice, celui de l’animation - comme celle de l’hyper cube que l’on peut visionner sur le net - supplée ici à l’impossibilité de se représenter le fait que le coinçage, qui est au principe de la structure du nœud comme point d’inertie de la rencontre des consistances, est du pur intensif sans dessus-dessous, sans l’opposition dehors /dedans qui relève de l’extension, des cordonnées de l’espace (d3). Or ce pur intensif est le point de réel en lequel l’acte, comme tel, accède au fondement, à l’évidence originaire en laquelle  le  pictural renouvelle la peinture [note du 29. 05. 2008].

 

  Cette relation de l’intensif à l’extensif dans l’acte pictural nous en tentons le délinéament dans notre dernier fascicule accompagné d’une animation (DVD), [Vermeersch P., Tournure – Démocrite avec Worringer, Autédit, Paris, 2012].

 

1- Ce ‘’trou dans le moi’’ nous l’avons, dans le contexte de la monstration de Lacan, trop hâtivement identifié à l’effet Worringer.

  Dans notre fascicule, Topologie de l’acte pictural- L’auto-enveloppement, Autédit, Paris, 2017, pp. 8-9,  nous déplions la temporalité logique de l’acte pictural en un écart  qui scinde l’opération homotopique, soit l’achèvement du surmontement du rond de l’imaginaire par celui de la nomination. Ce qui implique que l’accès au second point sujet à l’infini, dans le premier temps (première homotopie), soit maintenu dans l’inhibition qui est liée comme telle à l’imaginaire, puis que lui succède la sanction de ce premier temps par le constat de la division du sujet (effet W) donnant lieu à la seconde homotopie : la nomination du symbolique. [Note ajoutée le 3 10 17]