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20/10/2006

A propos de l'article du 01 07 06, d'Edouard Launet dans LIBERATION "Les brouillons de Lacan..."


D’une autre perspective :

En appliquant dans son dessin automatique le programme des Champs magnétiques qui reposait sur le principe de l’association libre, André Masson fut confronté à un hiatus entre la synchronie de l’image iconique et la diachronie d’une expérience fondée sur la discontinuité de la chaîne signifiante. C’est alors qu’il éprouva la réduction de l’effet imaginaire de son dessin à la consistance de la ligne faisant toron. Dans l’été 1924 il écrivit à Michel Leiris, dans une lettre couverte de dessins de nœuds, « Tout le secret de la peinture tient dans le nœud d’une corde... »
Son intuition rejoint celle de l’esthéticien munichois Wilhelm Worringer qui en 1911 s’était livré à une expérience de griffonnage spontané, induite par le milieu expressionniste. Celui-ci fit le constat que, dans le temps qui suivait le geste graphique, le sujet de la représentation avait à soi-même échappé : l’intensité de la trace gestuelle était éprouvée comme l’indice d’une volonté étrangère. Ce qui donnait lieu à des développements concernant l’origine d’un art germanique qui aurait hérité de la pratique ancestrale du nœud.
C’est donc à partir de cette focalisation sur une syncope dans l’acte que le peintre et l’esthéticien, en appui sur la consistance de l’inscription, ont intuitionné cette structure de coinçage qui ex-siste à la consistance : le nœud.
Cette syncope est l’effet de la division du sujet dont Lacan rendit compte de la structure à partir de la coupure de la bande de Moebius, s’engageant dans une théorisation en appui sur la topologie qui déboucha à partir de 1972 sur la problématique des nœuds borroméens. Ainsi fit-il la monstration , en un nouage, de la fonction de l’œuvre joycienne, partie prenante de la structure subjective de l’auteur.
Or les vues de Worringer ayant été reprises par le peintre Asger Jorn dans l’Internationale situationniste de décembre 1960, celui-ci, après avoir déployé ses références de l’entrelacs viking à Finnegans wake de James Joyce, déclarait « Ce qui manque aujourd’hui, c’est une pensée, une philosophie et un art qui se conforment à ce qui est projeté dans la topologie... ».

Ainsi, l’introduction des dessins de nœuds de Lacan sur le marché de l’art est-elle un acte qui, comme tel, aura à terme des effets d’après-coup. En effet, la topologie permet un mode de théorisation de la relation du sujet à la jouissance du vivant comme lieu de la vérité, hors langage. Elle opère un renversement radical au regard de l’art conceptuel pour lequel la vérité se réduit à la tautologie, en référence à la philosophie du langage anglo-saxonne, parangon de l’art dit contemporain et dont le programme est maintenant saturé.
Une nouvelle pratique théorique est à venir. L’histoire de l’art ne cesse pas de s’écrire.

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