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11/01/2007

A propos de l’article du Figaro du 29 juin 06, « A vendre l’inconscient de Lacan » de Valérie Duponchelle.



Cet article est illustré par le détail d’un dessin intitulé « Nœud borroméen de trois tétraèdres », reproduit en agrandissement dans la page de garde du catalogue d’Artcurial ; il y figure également au numéro 26. Il est assorti de la célèbre photo de M. Rougemont qui représente le Docteur Lacan de profil, l’index de sa main droite tendu vers l’extrémité de son cigare toscan portant la marque de ce coudage qu’il avait coutume de lui infliger. Un auditeur du Séminaire lui avait posé la question de la relation éventuelle de cette habitude avec le problème qu’il se posait quant au réel dans sa pratique du nœud bo.
L’effet du rapprochement des deux images suggère la rémanence du coinçage du doigt et du toscan, en la consistance de la trace de l’inscription faite au feutre de couleur
Le choix de ce dessin pour l’agrandissement de la page de garde est de toute évidence lié au fait qu’il présente une accentuation spéciale, son auteur s’étant appliqué à la représentation de l’espace (trois tétraèdres) en excès sur la seule écriture topologique des dessus-dessous. Lacan fut ainsi confronté à la consistance de ses inscriptions pour lesquelles la rémanence du coinçage des dessus-dessous lui échappait. Les reprises, par un trait plus fin limitant les bords du trait d’inscription comme toron, là où dans le croisement la consistance fuit , en témoignent. Cette accentuation apporte à ce dessin des effets évoquant les qualités picturales de l’expressionnisme abstrait.
C’est en effet dans le temps même où l’inscription libère l’émergence de la consistance qui génère l’espace virtuel que s’effectue la torsion moebienne de la structure d’enveloppe du regard, structure du fantasme dont Lacan rendit compte dans son séminaire (1964-1965) à partir de l’analyse du tableau des Ménines de Velasquez. Autrement dit, la consistance est d’une part corrélative de cet effet de doublure spéculaire de la trace, en son lieu même son envers, et d’autre part la rémanence du coinçage de l’outil, prolongement de la main, en appui sur le support.
Par contre, ce qui donne lieu à l’inscription topologique du nœud borroméen est une généralisation du coinçage de trois consistances. Autrement dit le coinçage a potentiellement lieu en tout point du rond de ficelle qui n’est que la réduction d’une droite infinie. Ainsi la consistance ne relève plus de la rémanence tactile , elle donne lieu à l’abstraction géométrique du tore et le coinçage ex-siste alors comme fonction d’enclavement, quart terme circulant en chacun des trois ronds comme nouant les deux autres.
La structure du sujet se soutient de l’articulation des trois instances , Réel, Symbolique, Imaginaire , homéomorphe à celle du noeud borroméen. Elle est métastructure au regard de l’articulation de la chaîne signifiante minimale dans l’acte de parole, qui se boucle sur le vide de sens de l’objet du fantasme, son produit. Alors que le sens trouve sa référence dans le monde, le vide de sens de cet objet comme référent premier donne son cadre à la réalité.
C’est ainsi que dans le temps éludé de la torsion de l’inscription, dans l’acte pictural, l’objet (regard) du fantasme se dérobe en sa présentation. La figuration de la toile retournée du tableau des Ménines en est devenu la légende depuis que Lacan en a fait le support de sa monstration.

Le détournement de ces brouillons de topologie en direction de l’art, dans le contexte actuel, produit un effet de sens nouveau : le Lacan, artiste brut, qui dans l’acte fait ce qu’il ne sait pas.
Ce qu’il ne sait pas dans l’acte de montrer ce qui montre, c’est ce qu’il enseigne.
Autrement dit, est inauguré un programme dans l’histoire de l’art, à partir de l’auto-perforation du vrai, en un dégagement de l’impasse d’un performatif excluant l’Autre de la vérité.